1H avec... Marlène Schiappa : "Dans la vie, je suis assez réservée" !

1H avec... Marlène Schiappa : "Dans la vie, je suis assez réservée" !

Depuis cinq ans, elle est celle qui ose tout au sein du gouvernement. A deux mois de la fin du quinquennat, nous faisons le point avec la ministre des Droits des citoyens.

Public : Il y a quelques jours, vous avez jugé que cette campagne présidentielle ne devait pas être prise au sérieux. Pourquoi est-ce le cas ?

Marlène Schiappa : Pour être médiatisés, les candidats font des annonces qui ne sont pas du niveau du chef de l'Etat. Cela dégrade la fonction présidentielle.

Vous êtes la ministre qui a fait le plus d'apparitions dans les médias, des émissions politiques à Tous en cuisine. Rien n'est interdit ?

On ne peut pas déplorer l'abstention et mépriser certains lecteurs qui ne sont pas de vrais citoyens. Il faut parler à tout le monde, qu'il s'agisse de Valeurs Actuelles, de L'Humanité ou de Public. J'ai été la première ministre à aller voir Cyril Hanouna. Depuis, mes collègues font la queue pour y aller !

Que retenez-vous de ce quinquennat ?

Il y a eu un avant et un après sur les violences conjugales. Le Grenelle contre les violences conjugales a changé les choses. Pour permettre le dépôt de plainte, on forme mieux les policiers, on confisque les armes si le conjoint violent en a, on donne la possibilité de faire sa déposition en dehors du commissariat... Ce travail porte ses fruits.

Au cours des cinq dernières années, vous avez fait l'objet de nombreuses critiques. Le site Atlantico vous a qualifiée de "reine des salopes", évoquant des romans érotiques que vous auriez écrits sous pseudonyme. Comment réagit-on à cela ?

On ne s'habitue jamais à la violence. Je me souviendrai toujours du moment où quarante gilets jaunes sont arrivés chez moi à minuit, alors que nous dormions. Ils se sont mis à crier : "Schiappa salope ! On va te tuer ! Descends !" et ont frappé à la porte et aux fenêtres de l'immeuble. Mes filles pleuraient. C'est traumatisant ! Même si on reçoit beaucoup de soutien.

Vous dites que la violence sexiste a fait irruption très tôt dans votre vie ?

Oui, je me souviens de la première fois que j'ai été harcelée dans la rue. J'avais 13 ans et un type en costume-cravate m'a poursuivie en me disant : "Eh bien, alors, chérie, tu dois mettre un soutien-gorge ! À cet âge, on ne comprend pas. Quand j'étais enfant, j'avais les cheveux courts, je jouais au foot, etc. Mais à la puberté, on se rend compte que l'on est une fille, surtout aux yeux des autres, en étant traitée différemment d'un garçon !

"La notoriété perturbe la vie de couple".

Y a-t-il eu des agressions physiques ?

Oui. Dans une station de métro, un homme m'a plaquée contre un mur avant d'essayer d'ouvrir mon pantalon. Heureusement, je me suis souvenue du conseil de mon père : "Si un type t'agresse, mets-lui un genou entre les jambes". C'est ce que j'ai fait avant de m'enfuir. Un autre jour, un homme m'a suivie dans un ascenseur et s'est mis à se masturber. Et comme beaucoup de femmes, je ne raconte que ce qui peut être dit : Il m'est arrivé des choses bien pires, que je tais.

Sensibilisez-vous déjà vos filles, qui ont 10 et 15 ans, à ces risques ?

Peut-être trop. Il est difficile de savoir comment les préserver sans les surprotéger.

Vous avez eu votre premier enfant très tôt, à 23 ans, mais vous y avez pensé dès l'adolescence !

Être mère, c'est ce qui me définit. Je ne réduis pas les femmes à la maternité, mais pour moi, c'était indispensable. Enfant, je faisais des listes de prénoms pour mes futurs enfants.

"L'année dernière, j'ai dû faire face à ma fausse couche".

Comment conciliez-vous votre vie de mère et de ministre ?

J'essaie de créer des moments de qualité. Je les emmène dîner à la maison et je retourne ensuite au travail. Mais si je peux jongler, c'est parce que leur père est très impliqué !

Qu'en est-il de la vie de couple ?

La notoriété bouleverse les habitudes. Mon mari est originaire des quartiers nord de Marseille. Moi, en revanche, j'ai grandi dans une cité de Belleville, dans une famille d'enseignants. Nous ne sommes pas habitués aux dorures de la République ! Être exposée a été un choc pour nos familles.

L'année dernière, vous avez fait une fausse couche. Comment gère-t-on cette douleur intime quand on est médiatisée ?

Je suis restée alitée à la maison pendant trois semaines et j'ai pu faire du télétravail à partir de là. Déjà, physiquement, on est un peu HS à cause des saignements. Et psychologiquement, cela m'a beaucoup affectée et j'ai eu du mal à le supporter. J'ai eu la chance d'être très soutenue.

Votre père, un historien communiste, vous a dit de "ne pas trop vous prendre pour Marlène Schiappa". Comment cela se présente-t-il ?

Le personnage public n'est pas le même que dans le privé. Les gens ont du mal à le croire, mais en réalité, je suis assez réservée.

Est-il difficile de défendre un gouvernement quand on n'est pas d'accord avec lui ?

Je suis loyal envers le président, ce n'est pas négociable. Mais quand le gouvernement n'a pas voulu de la loi sur le deuil des enfants, qui accorde des jours à un parent après le décès d'un enfant, j'ai écrit au président et à Brigitte Macron pour leur dire que ça me retournait l'estomac. Dès le lendemain, le gouvernement a reconsidéré son projet. J'étais aux anges, car j'étais prête à aller jusqu'à la mise à la porte pour défendre mes valeurs : C'était une question de principe.

Que pensez-vous du fait qu'Emmanuel Macron "chie sur ceux qui ne sont pas vaccinés" ? Est-ce digne d'une démocratie ?

Son idée, c'est de protéger tout le monde. Je sors d'un Covid un peu dur : c'est une saloperie, ce virus ! Et des gens en sont morts dans des conditions très difficiles. Le président s'inquiète de ces situations et essaie à tout prix de protéger tout le monde.

Ce manque de respect ne vous semble-t-il pas être une erreur de la com ?

Non.

Y a-t-il des choses que vous regrettez d'avoir dites au cours de ces cinq années ?

J'ai fait des erreurs. Mais c'est paradoxal : on veut renouveler l'ancien personnel politique, mais on n'aime pas le naturel. Cela n'a pas d'importance, je reste moi-même.

La violence domestique augmente

Marlène Schiappa a beau défendre le bilan du gouvernement, les chiffres transmis par le ministère de l'Intérieur montrent qu'en 2020, on a enregistré une hausse de 10 % des violences conjugales. Près de 87 % des victimes étaient des femmes, ce qui correspond à un nombre de 139 200. Une augmentation qui peut sans aucun doute être attribuée aux clauses des quarantaines successives : Pendant la deuxième clôture, le nombre de signalements de violences domestiques a augmenté de 60 % sur la plateforme gouvernementale créée à cet effet.

Dates importantes

1. 18 novembre 1982

Naissance à Paris, les parents sont des enseignants très à gauche. Marlène Schiappa a deux sœurs dont elle est très proche, Carla et Angela.

2. 2006

Après un premier mariage de courte durée, elle se marie avec Cédric Bruguière, qui est directeur des ressources humaines. Ensemble, ils ont deux filles de 10 et 15 ans.

3. 2017

Députée au Mans, cette féministe s'engage auprès d'Emmanuel Macron, pour qui elle est d'abord secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes.

4 février 2022

Elle fait l'objet d'une première biographie, La Vraie Marlène, du journaliste Florian Anselme (Robert Laffont). Une enquête passionnante sur cette "ministre qui dérange".

Entretien réalisé par Maëlle Brun